Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article JUDICIA PUIRLICA

JUDICIA PUIRLICA

JUDICIA PUIRLICA.Le droit criminel faisant partie à Rome du droit public, les tribunaux criminels sont appelés judicia publics' ; ils ont à réprimer à peu près tous les délits et crimes de droit commun et politiques, les delicla publica, à l'exclusion des contraventions aux édits des magistrats que ceux-ci punissent eux-mêmes en vertu de leur droit de coercition, des délits relatifs aux sépultures, qui relèvent de la juridiction spéciale des pontifes, des delicla prirata (Atrium, rapina, damnurn, injuria), qui jusqu'à une époque très tardive ne relèvent que de la juridiction civile, et des affaires qui vont régulièrement devant le tribunal domestique [n'DICIu3I DOMESTICUM]. PÉRIODE ROYALE. C'est artificiellement, sans aucune tradition authentique, et surtout en utilisant les institutions de l'époque historique, que les annalistes grecs et latins ont décrit les institutions de l'époque royale. Tout ce que nous pouvons accepter de vraisemblable pour la justice criminelle, c'est que le roi, grand juge criminel, dont les droits n'étaient alors limités ni par l'INTERCESSIO ni par la PROVOCATIO AD PoPULUM, pronon rait lui-même les condamnations capitales, sans recours, avec l'assistance d'un conseil, mais qu'il pouvait aussi déléguer sa juridiction à des représentants, de la sentence desquels il pouvait peut-être y avoir appel au peuple LA RÉPUBLIQUE. Le Judicium populi. Jusqu'à la loi des Douze Tables, nos renseignements n'offrent guère plus de certitude que pour la période précédente. La légende rattache à la condamnation des fils de Brutus par le consul de ce nom la première loi Valeria Iioratia de 509 qui établit au profit de tout citoyen romain, poursuit i pour crime capital, le droit de faire appel au peuple'. I1 est plus vraisemblable que c'est dès le début de la République qu'on affaiblit le pouvoir des magistrats suprêmes, des consuls, successeurs des rois, au profit du peuple (populos), en détachant de leur imperium la juridiction criminelle. Les chefs de la plèbe, les tribuns et aussi peut-être les édiles plébéiens acceptèrent également pour leur compte cette restriction, s'il faut ajouter quelque créance aux récits de condamnations capitales ou de grosses amendes prononcées nous ne savons pas exactement par quelle assemblée, soit par les centuries, soit par le concile de la plèbe ', dans la période comprise entre la création du tribunat et la loi des Douze Diocl. Cod. Just. X, 51, 1 ; Ulp. de off. praet. tutel. ap. Modeste 2 excusa.. Dig. XXVII, 1, 6, 13, BIBLIWGRAPniE. L. Buruouf, De re judicata et de rei judiciariae aplat Romanos disciplina (thèse rédigée sous l'inspiration de Jourdan), Paris, 1821 ; par Ltienne sous le titre de Traité des actions, Paris, 1843) ; Bonjean, Traité des actions, Paris, 2 vol. 1811; Von Sasigny, System des hedigen rüm. Redits, Berlin, 1847, t. VI, p. 265 et suiv. ; Keller, Der rbm. Cicilprocess und die Actiouien in s mari der Darstellung, Leipzig, 1852 (trad. française de Capmas, Paris, 1870 ; Bethmann-Ilollweg, Der Kim. Civilprocess, Bonn, 1864, t. II et III; Kruger, Bel.Ler, Die Aktionen des rbm. Priratrechts, Berlin, 1873, t. II, p. 174; Rümelin, t. Ill; Vi indscheid, Lehrbuch der Pandekten, 7, éd. 1891, t. I, § 129 ; Accarias, .IUDICI-i PUBLICA. 1 Les premiers documents officiels qui mentionnent le ju Tables [TRIRUNUS PLEBIS]. En 43i, une loi Aternia Tarpeia étendit le droit d'infliger des amendes, la multae diclio, des consuls aux autres principaux magistrats {tribuns, édiles, censeurs), mais jusqu'à une certaine somme (maxima ou suprema mulla), évaluée à deux boeufs et trente moutons, au-dessus de laquelle il devait également y avoir appel au peuple ; cette loi fut complétée, on ne sait comment, par une loi consulaire Menenia Scxtia de 452, et un peu plus tard par une loi Julia Papiria de multarum aestimalione qui transforma en amendes pécuniaires les amendes en bestiaux ; la maxima mulla fut d'après la nouvelle estimation de 3020 as'. Le droit de provocation, suspendu pendant le décemvirat, fut de nouveau reconnu par la loi des Douze Tables, et par une loi Valeria Iloratia de 449 ; cette dernière interdisait pour l'avenir la création d'une magistrature non soumise à la provocation ° ; la plèbe dut sans doute aussi se lier par une loi de même contents' ; la loi des Douze Tables réservait les condamnations capitales à l'assemblée centuriate, au comitiatus maximus s. On ne sait pas exactement quel fut le sens d'une troisième loi Valeria de 300 qui défendait de frapper des verges et de la hache celui qui avait appelé au peuple 9. Zumpt croit qu'elle défendait simplement d'employer ce genre de supplice contre le citoyen condamné 10 Dans cette période, nous connaissons trois restrictions au droit de provocation : 1° Il ne s'exerçait que dans le territoire domi, c'està-dire dans la ville de Rome (Urbs huma) limitée par le Po7n:RIDM et dans le premier mille de Rome 17; au delà de cette limite, le magistrat gardait son imperium complet; cependant nous avons un exemple où l'iniperialm est absolu entre le pomerium et le premier mille 12. Mommsen 73 croit que dans cc cas, si le magistrat avait pris les auspices avant son départ, il n'était pas soumis à la provocation dans le premier mille, mais que dans le cas contraire il y était soumis. Mais plus tard la provocation fut étendue à tout citoyen romain, dans toutes les parties du monde romain, et le citoyen appelant dut être envoyé devant les tribunaux de Rouie14. Ce privilège fut-il une simple tolérance ou le résultat d'une loi? On peut l'attribuer aux leges Porcine : ces trois lois, mal connues, sont sans doute comprises entre 166 et 134 av. J.-C.; elles ont dît renouveler en outre la défense d'exécuter un citoyen par les verges 13 ; 2° l'imperium du dictateur était soustrait au début à la provocation, comme à l'intercession tribunicienne le : mais plus tard il y fut soumis, car d'après Festus on cessa de mettre les mots Lis . 2, 35 'procès de Coriolan en 491) ; 3, 12-14 (procès de Caeso Quinctius en 461) ; les édiles ont eu un maximum plus élevé (Manuel des antiquités romaines, trad. Tables, notre tradition n'offre pas la moindre certitude. 11 Liv. 3, 20, 7. 12 Liv. 21, 92.11 y a plus tard un cas analogue où ne s'appliqu pas l'intercession (Appian. JUD -647 JUD « ut optima lege » dans la formule de nomination du dictateur' : depuis quand? on ne sait au juste`, peutêtre de la loi Valeria de 300 ; 3' le citoyen rebelle, déserteur, extradé, est censé avoir perdu sa qualité de citoyen ; il ne jouit plus du bénéfice de la provocation ; c'est ainsi que s'expliquent des exécutions faites par des magistrats, sur l'ordre du sénat"; c'est pour la même raison qu'un citoyen condamné pour une violation du droit des gens par le consul assisté des fétiaux peut être livré à l'ennemi ; c'est volontairement que le magistrat soumet sa décision au peuple 4 Après la première atteinte portée au droit de provocation par l'exécution de Tiberius Gracchus, il fut de nouveau sanctionné formellement par latex Sempronia de C. Gracchus, en 1235, et malgré les nombreuses violations qu'il subit, comme on le verra, pendant les crises révolutionnaires, ilrestaau moins jusqu'à l'époque de Sylla comme le palladium des libertés populaires". Depuis Sylla, il ne fut plus employé que par exception et il disparut définitivement avec l'Empire. Depuis les Douze Tables, sous le régime de la provocation, les procès capitaux sont donc réservés aux centuries,, les amendes des tribuns ou des édiles de la plèbe aux conciles plébéiens 8, les amendes des édiles curules ou des grands pontifes aux comices par tribus patricioplébéiens; ces deux dernières assemblées peuvent en outre, si l'accusé s'est exilé volontairement pour ne pas payer l'amende, sanctionner cet exil. C'est donc la peine plutôt que le délit (lui distingue la compétence des divers comices et le tribun petit s'adresser successivement à deux assemblées en demandant d'abord une condamnation capitale, puis une amende ou inversement'. Mais on ne doit pas cumuler les deux moyens de répression, la roENA et la SIUL1AIO. Quant aux peines corporelles, elles ne sont pas soumises à la provocation, mais depuis qu'elle existe, elles sont exclues en réalité de la répression pénale. Cicéron rattache l'interdiction des peines corporelles à la première loi sur la provocation" ; en tout cas, elle est observée à l'époque historique: c'est un privilège des citoyens que d'échapper aux verges"-; c'est seulement à l'égard des petites gens, et de certaines classes de la population, en particulier des comédiens, que les édiles continuent à employer ce genre de punition13 Remarquons d'autre part que la provocation n'est admissible que contre la juridiction criminelle et la coercition du magistrat. Elle ne l'est pas contre les délits religieux ni contre les sentences en matière de justice administrative entre le peuple et un citoyen, ni contre les sentences rendues en matière civile, ni, par suite, contre les sentences rendues:dans les quaestiones, soit extraordinaires, soit permanentes, qui, au fond, sont issues de la procédure civile. Le terme générique qui désigne le recours au peuple et ses conséquences juridiques est le judicium populii4, C'est une des principales expressions de la souveraineté populaire ; c'est à la fois une revision de la sentence du magistrat et l'exercice du droit de gràce par le peuple. Quels sont les magistrats qui dirigent la procédure? Pour les comices par tribus, ce sont les édiles curules ou les grands pontifes' ; pour le concile de la plèbe, les tribuns ou édiles de la plèbe; pour les centuries, ce sont les délégués du consul qui se font céder les auspices nécessaires ou les tribuns qui obtiennent des magistrats revêtus de l'imperium le droit de convoquer cette assemblée 16. C'est sans doute dès le début de la République " 7 que le consul fut obligé de déléguer sa juridiction criminelle à des représentants qui furent, pour les crimes de droit commun, les quaestores parricidii, pour les crimes politiques les duoviri perduellioni judicandae'8 nuustvlnl PERDUELLIONIS Ces derniers sont des magistrats non permanents, créés pour chaque cause ; théoriquement, c'est le peuple qui aurait dix les nommer; mais dans l'affaire de Rabirius, c'est le préteur urbain qui les tira au sort, on ne sait parmi quelle classe de citoyens; un seul agit sans doute dans chaque procès". Cette procédure n'est connue que par trois exemples, le procès d'IIorace qui est un anachronisme légendaire20, celui de Manlius en 38121, celui de Rabirius, en 63, pour lequel on exhuma cette vieille juridiction tombée en désuétude, et qui fut d'ailleurs transformé en un procès tendant à une amende. Les duumvirs disparurent de bonne heure, et leur compétence passa aux tribuns. Les quaestores parricidii sont très probablement identiques aux deux premiers questeurs" et ont dît être créés en même temps que les premiers consuls 23 LQcAESTOnj. Ils figurent sous ce titre dans la loi des Douze Tables21• Comme l'indique le mot quaestor, équivalent à quaesitor, ils ont dît avoir comme première attribution la juridiction criminelle par délégation des consuls, et c'est pour cette raison qu'ils apparaissent d'abord dans des procès criminels, par exemple ceux de Spurius Cassius en 185, de M. Volscius en 439, de Camille en 396 2ô. Ce sont d'ailleurs les seules mentions que nous ayons d'eux, outre la formule conservée par Varron 26. Que le mot parricidium ait signifié à. l'origine le parricide ou, ce qui est plus probable, le meurtre intentionnel en général [PAniucnnuM] 97, il est évident que la juridiction de ces magistrats a été bornée aux causes capitales de droit commun 48. Elle a peut-être été étendue ensuite aux procès, comportant de grosses amendes, mais ce n'est pas prouvé. Cette juridiction paraît avoir duré longtemps ; car la formule de Varron, où il est question de plusieurs préteurs, n'est pas antérieure au ne siècle. Elle a dû se maintenir pour les meurtres et les incendies jusqu'à l'établissement de la quaestio de sicariis. JLJD -68JUD Les procès portés devant le peuple par les deux collèges d'édiles sont les procès criminels qui tantôt dérivent plus ou moins naturellement de leurs fonctions administratives, tantôt, ne relevant d'aucune magistrature spéciale, sont soumis plus ou moins arbitrairement à leur juridiction ; par exemple dans la première catégorie nous connaissons des procès pour injures aux édiles ', pour accaparement des grains2, pour usure 3; dans la deuxième catégorie des procès pour discours séditieux tenus par urne femme4, pour violences publiques s, pour corruption de jurés sénatoriaux6, pour déplacement de récoltes par sortilège', pour stuprum commis par des femmes' ou par des hommes', pour violation des limites établies par la loi agraire de Licinius Stolo ou par d'autres lois agraires à l'occupation des terres publiques et à l'élevage du bétail sur ces terres''. Cette juridiction a été restreinte de bonne heure par les quaesliones perpetuae ; mais elle s'est maintenue en principe jusqu'à la fin de la République, comme le montre l'affaire de Milon". Les tribuns se sont chargés des poursuites politiques dès une époque sans doute trop reculée par les annalistes, mais en tout cas très ancienne : ils ont joué avec une activité infatigable le rôle de ministère public 12, surtout contre les magistrats sortis de charge. Ils ont donc dà individuellement dans chaque cas faire leur enquête, consulter leur conseil. Sylla leur enleva probablement leur juridiction criminelle, remplacée alors par la quaestio majestatis i3 ; elle fut rétablie en 70, mais ne fut plus exercée que très rarement et disparut définitivement sous l'Empire. Nous avons de très nombreux exemples de poursuites tribuniciennes, soit capitales, soit tendant à une grosse amende": contre des magistrats supérieurs, dans leurs fonctions civiles ou militaires, consuls, tribuns consulaires, préteurs, proconsuls, propréteurs, pour mauvaise gestion', exécution d'une guerre sans l'autorisation nécessaire1G, pour mépris des auspices 17, pour fuite devant l'ennemi1', pour injustice dans le partage du butin', pour emploi des soldats dans un intérêt privé 20, polir continuation des fonctions au delà du terme légal21, pour mauvaise justice 22, pour dilapidation des deniers publics", pour atteinte aux biens ou à la personne d'un particulier 24, pour violation d'une loi constitutionnelle"; contre des magistrats inférieurs, édiles, questeurs, Ires viri capitales 26 ; contre des tribuns, mais uniquement pendant des crises politiques 27 ; contre des officiers, par exemple des légats, pour trahison, manquement à leurs devoirs professionnels ou autre faute28, contre des ambassadeurs pour négligence, faute dans leur service 29 ; contre des sénateurs pour refus de jurer une loi 30; contre des fermiers de l'État pour fraude, malhonnêteté"; contre des citoyens quelconques pour infraction à une obligation rnorale32. Ajoutons que les tribuns ont pu accuser des citoyens pour exécuter une vengeance politique u ; leurs poursuites coutre les censeurs, mal vues par l'opinion publique, ont généralement échoué". Plusieurs textes leur attribuent aussi des poursuites contre le faux témoignage en matière criminelle u, la pédérastie, lestuprurlt3f; il n'y a pas de raison sérieuse pour les rejeter. Ajoutons que le sénat peut confier l'enquête de crimes graves, intéressant la sûreté publique, à un préteur qui fait ensuite déférer les coupables au peuple par un tribun37. Exposons maintenant la procédure du judiciuni populi connue surtout par les procès tribuniciensu ; 1° le magistrat peut agir d'office ou sur la dénonciation que fait un particulier 39 de sa propre initiative ou à l'instigation d'un autre magistrat pour les a[fia.ires qui intéressent l'État. On favorise les dénonciateurs (indices), qui dès l'époque de Plaute ont mauvaise réputation [QUADRUPLAToR], surtout les esclaves qui recoivent généralement comme récompense la liberté et une somme d'argent 4° ; dans l'affaire des Bacchanales, l'affranchie }lispala Fecennia reçut entre autres privilèges la ventis emptio et le droit d'épouser un ingénu". On promet aussi l'impunité aux complices, soit par une loi populaire u, soit plus généralement par un sénatus-consulte qui autorise le magistrat à leur octroyer la flues publica" Pour les accusateurs proprement dits, il y a des primes qu'on verra à propos des quaestiones ; on peut accuser tout individu, même les esclaves4`"", sauf pour les crimes commis contre leurs maitres; les causes des femmes, qui n'ont pas le privilège de la provocation, sont réservées en principe au JUmCluM DoMESTICUM, mais elles peuvent être punies extra ordinairement par un magistrat, surtout par le préteur'', ou être portées, comme on l'a vu, par les édiles, devant le peuple qui est alors sans doute censé juger non sur appel, plais en première instance. Les citoyens absents pour le service de l'État, y compris les soldats, ne sont généralement accusés qu'après la fin de leur mission 16. Enfin, il y a ce principe général, reconnu plus tard expressément dans la procédure des quaestiones perpetuaeu, que les poursuites contre un magistrat son V. JUD G%9 JUD différées jusqu'à sa sortie de charge, à moins qu'il ne renonce volontairement à cette garantie. Cependant, il y a eu quelques exceptions à ce principe, surtout de la part des tribuns. Régulièrement, en outre, un magistrat supérieur ne peut être accusé au criminel par un magistrat inférieur ; 3° au début, nous trouvons l'emprisonnement préventif ; de bonne heure fut admise, comme au civil, la caution pour comparaître, le vadimoniurn (rades, praedes)', ou même la mise en liberté provisoire, sans caution, qui permettait l'exil volontaire ; mais le magistrat a pleins pouvoirs et peut toujours soit faire emprisonner l'inculpé, soit le confier à la garde de particuliers (custodia libera)I ; h° après la dénonciation (nomen deferre) 3, le magistrat fait l'enquête (quaestio) avec un pouvoir discrétionnaire; il peut rejeter la plainte ; personne, pas même son collègue, ne peut l'obliger à l'accepter, mais le dénonciateur peut s'adresser à un autre magistrat. S'il accepte la plainte, il inscrit sur son registre le motif, les noms des parties, interroge l'accusé et les témoins (interrogatio in jure), dirige les débats contradictoires qui comportent déjà des avocats 1; 5° s'il y a aveu, l'inculpé confessus peut être exécuté immédiatement sur l'ordre du magistrat, comme le coupable pris en flagrant délit (mani festus) Zumpt' admet avec raison que la maxime confessas pro judicato est, du droit civil, était aussi applicable au droit criminel; mais le magistrat pouvait toujours dégager sa responsabilité en laissant aller le coupable devant le peuple ; G° s'il n'y a pas aveu, ou s'il y a défense, justification quelconque, le procès suit son cours ; le magistrat passe à l'mquisitio 6, cite le prévenu par héraut pour le surlendemain, ou pour un jour plus éloigné devant le peuple réuni en concio (diem dicere) 7, et dans cette citation dont nous n'avons pas les termes, il expose le crime et indique la peine qu'il demandes ; dès lors, l'accusé est reus 0, prend les marques de deuil, dépose, selon le cas, les ornements équestres ou sénatoriaux (vestis mutatio), laisse pousser sa barbe, demande lui-même ou fait demander la pitié du peuple par sa famille, ses amis 10 ; 70 au jour axé et ensuite à deux autres jours, fixés d'avance (diem prodicere) et séparés par un intervalle d'au moins un jour, ont lieu les trois débats préliminaires (prima, secunda, tertia accusatio) devant la concio ; le magistrat défend ses conclusions, donne la parole à l'accusé, à l'accusateur et aux témoins, fixe le temps donné à chaque partie'' ; le peuple manifeste librement son approbation ou sa désapprobation, et amène souvent ainsi une intercession d'un tribun soit pour arrêter le procès, soit pour le transformer '2 ; le procès est aussi arrêté à tout moment par le désistement de l'accusateur, que provoquent souvent les manifestations de l'assemblée 13 ; l'accusé se défend soit seul, soit avec l'appui de parents, d'amis fl, et c'est ici que le patron a dti parti-. culièrement protéger son client. Après le troisième débat, le magistrat prononce; s'il acquitte, l'affaire est finie; s'il condamne, il n'est pas lié par son premier verdict; il peut aller au-dessus ou au-dessous, demander même une peine capitale au lieu d'une amende 1J. Cette condamnation est-elle une simple proposition? ou une condamnation véritable en première instance? Cette question a soulevé de nombreuses controverses; les mots judicium, judicare, multam irrogare se prêtent aux deux sens ; il semble bien cependant que le magistrat ait prononcé une véritable condamnation. Si le condamné acceptait la peine, le procès était fini, sinon commençait le véritable jndicium populi ; 8° le magistrat fixe le jour des comices, en observant les délais de rigueur qui sont de trente jours pour les comices centuriates et de trois nundines (trinundinum) pour les comices par tribus 1G, à moins que l'accusé ne veuille les abréger 17, ou qu'il n'en ait obtenu de plus longs en faisant agréer une excuse 18 ; il est cité spécialement pour cette séance par un appel de trompette fait devant sa porte 19 ; il faut que le jugement soit rendu au jour fixé; sinon, le procès est terminé20 et le même magistrat ne doit pas régulièrement reprendre l'accusation 21. Nous ne savons pas si, dans ce dernier jour, il y avait des débats ; c'est douteux, au moins pour les procès capitaux 22 ; le peuple ne peut que condamner ou absoudre; l'égalité des voix amène l'acquittement ; le vote a lieu au scrutin secret depuis la loi Cassia de 137, sauf dans les procès de PERDUELLIO, exception qui est supprimée en 107 par une loi CCelia23. La sentence est irrévocable, sauf s'il y a une RESTITUTIO IN INTEGHUM, qui est un acte législatif'. Si l'accusé ne se présente pas, il y a généralement confirmation de son exil, quelquefois condamnation à des amendes ; l'exil lui est permis légalement jusque pendant le vote, tant que la majorité nécessaire n'a pas été proclamée 23. L'exécution de la peine capitale appartint d'abord aux licteurs 26, mais passa de bonne heure à l'esclave public, CAIISII'Ex 27, sous la surveillance des TRESVIIII CAPITALES, qui procèdent eux-mêmes, à l'in térieur de la prison, à la strangulation des personnes de distinction et des femmes23. Au reste, pour les crimes politiques, la peine de mort avait été remplacée de bonne heure par la mort civile [Ex5ILIUM] 29, et il en fut ainsi jusqu'aux crises révolutionnaires de la fin de la République ; 9° outre la provocation, l'inculpé a comme voie de recours l'intercession du tribun INTERCESSIO . Elle s'exerce à l'égard de tous les magistrats, contre tout acte de coercition, de procédure, ou d'exécution ; dans notre matière, nous la trouvons par exemple contre la nominis JUD 650 JUD delatio, la diei dictio 1, contre l'arrestation 2, contre la sentence du magistrat', contre la convocation ou le vote des comices 4, contre l'exécution de la peine L'accusé peut employer à la fois l'appel au tribun et l'appel au peuple 6. Le judicium populi était évidemment une procédure très défectueuse, très lente, soumise aux caprices et aux passions de la populace, à tous les empêchements du calendrier, à l'intercession des tribuns ; aussi fut-elle remplacée d'assez bonne heure dans la plupart des cas par une autre procédure, celle des quaestiones. II. Les quaestiones extraordinaires. Le peuple peut faire abandon de son droit de provocation quand une affaire comporte une enquête difficile ou offre une gravité particulière. Le judicium populi est alors remplacé, soit en vertu d'un plébiscite, soit simplement avec l'approbation du peuple, en vertu d'un sénatus-consulte, par une quaestio, tribunal criminel, extraordinaire, pour un cas particulier. Il y eut des quaestiones de ce genre pendant toute la durée de la République, pour les causes les plus diverses, politiques ou de droit commun. On employait d'abord à cet effet soit les consuls, soit un dictateur spécial, soit un préteur, et ces magistrats, choisis généralement par le sénat, jugeaient eux-mêmes, sans doute avec leur conseil habituel. Le premier exemple connu est de 413 av. J.-C. : les consuls sont chargés (le punir les meurtriers d'un tribun militaire Un dictateur, puis les consuls font une enquête sur une conjuration 8 ; des préteurs jugent des empoisonnements 9, la corruption d'un préteur, président de quaestio10, la mauvaise direction d'une guerre par un consulles péculats de L. Scipio et de ses complices 12. A partir de l'institution des quaestiones perpetuae, on confia généralement ces jugements à des magistrats auxiliaires, le plus souvent prétoriens ; ils portent le nom générique de quaesitor, ont des pouvoirs semblables à ceux des consuls et des préteurs. Mommsen leur attribue même les insignes des magistrats et la chaise curule 13. Il y en a généralement pour chaque procès un, quelquefois trois. Dans cette période, le quaesitora un conseil qui n'a plus seulement voir facultative, mais qui vote, et dont la composition est soit analogue à celle des quaestiones perpetuae, soit réglée par une loi spéciale ; le quaesitor a la présidence du tribunal et le droit de votet4; parmi les affaires jugées de cette manière, nous connaissons l'inceste des Vestales en 113 1', les actes de trahison des généraux et ambassadeurs envoyés contre Jugurtha en 110n, le pillage des trésors de Toulouse ", le meurtre de Clodius et les délits connexes à ce meurtre 18, le sacrilège commis par Clodius en 6119, le meurtre de César 20. 1I1. Les quaestiones perpetuae. Ce sont les abus de pouvoir et les exactions des gouverneurs de provinces (lui amenèrent la création des tribunaux criminels permanents, des quaestiones perpetuae. Jusque-là, c'était surtout le sénat qui avait été chargé de faire rendre justice aux habitants des provinces. En 187, sur la plainte de la ville d'Ambracia, il avait cassé les mesures prises par le proconsul M. Fulvius Nobilior 21 ; en 171, il avait institué pour juger trois anciens préteurs d'Espagne un jury de cinq récupérateurs pris dans le sénat et présidés par un préteur 22; en 1!i9, le tribun L. Calpurnius Piso fit voter la première loi de pecuniis repetundis23, à la suite de laquelle fut probablement établie la première quaestio permanente, celle de pecuniis repetltndis [13EPETUNDAE]; en vertu de la lex Acilia de 122, il y eut un préteur spécial pour ce tribunal'. La seconde quaestio perpelua fut celle que créa la lex Sempronia de sicariis et veneficis en 123 23, et qui fut organisée ensuite par la lex Cornelia de sicariis et veneficis de 81, et la lex Pompeia de parricidio de 55. Il est probable que les tribunaux de ambigu et de peculatu existaient avant Sylla [Antin us, PECULATCS;. C'est Sylla qui organisa définitivement les quaestiones perpetuae en assignant à chacune d'elles sa compétence, sa procédure, et en gardant à Rome pendant leur première année de charge les huit préteurs pour les présider. On ne connaît pas ses mesures dans le détail, mais on peut admettre l'existence d'au moins six quaestiones à l'époque de Sylla2' à savoir : repetundaeunl. (avec un préteur), ambitus u (avec tantôt un préteur, tantôt un quaesitor), peculatus (avec un préteur dès Sylla) 26, majestatis (tantôt avec un préteur, tantôt arec un quaesitor) 29, de sicariis et venr ficis (tantôt avec un préteur, tantôt avec un quaesitor), et probablement falsi3L [FALSI:mi. A l'époque de Cicéron, il y a en outre les tribunaux de vi, de sodaliciis 32, le nombre des tribunaux s'est peut-être élevé ensuite à dix par la distinction qu'on fit d'une part entre l'empoisonnement et le meurtre 13, de l'autre entre les injuriae et la vis propre 34. On connaît trois catégories de présidents de quaestio perpetua : un des six préteurs, autres que les préteurs urbain etpérégrin, qui sont réservés à la juridiction civile; 2° un président, pris dans le jury lui-même et appelé quaesitor, choisi sans doute par le préteur urbain, irais nous ne savons pas exactement comment, peut-être par le tirage au sort et après récusation par les parties3'; il n'exerce ses fonctions que dans un seul procès de telle ou telle espèce, mais au cours d'une même année, il peut les exercer dans plusieurs tribunaux différents"; il reçoit du préteur urbain le procès tout instruit et le jury tout formé u ; il est soumis à la même responsabilité que JUD f 51 -JUD le président magistrat' ; ruais étant juré, il vote 2; 3° le judex quaestionis3, appelé aussi judex quaesitioais rerum capitalium 4; le rôle de ce personnage, qui apparaît pour la première fois vers 98", qui est souvent mentionné à la fin de la République et à l'époque d'Auguste, est très obscurs. D'après beaucoup de textes, il préside la quaestio de sicariis et rene ficis7, concurremment avec le préteur spécial; il y avait peut-être même souvent à la fois le préteur, et plusieurs judices quaestionis pour ce tribunal qui était extrêmement chargé". Cette fonction est une sorte de magistrature qui se place entre l'édilité et la questure ; elle comporte la coercition, les licteurs et les appariteurs du magistrat; ce juge prête serment comme le préteur, il reste sans doute un an en fonctions'0 ; mais on ne sait pas comment il est nommé, peut-être par le préteur. Pour le recrutement du tribunal, nous renvoyons à l'article JUDICIA PrBLiCA. Passons à la procédure : 1° On utilise toujours les dénonciations des indices, auxquels on accorde différentes primes'I [IXDEXI, et des complices; mais la procédure accusatoire est toujours la règle, car les quaestiones ne sont au fond qu'une procédure civile renforcée, où le magistrat ne fait guère théoriquement que judicium exercere'2. Un magistrat peut être accusateur, mais ce rôle est mal vu par l'opinion publique 13 et il en est encore ainsi sous l'Empire'`. L'accusateur privé est toujours nécessaire [ACCUSATou]. Il touche une prune qui varie sans doute selon l'importance du délit et la qualité de l'accusateur. Nous connaissons comme primes des récompenses en argent, des dispenses du service militaire i5; la lex Acilia repetundarum promet aux Latins qui feraient condamner un concussionnaire le droit de cité et à ceux qui ne l'accepteraient pas, le droit de provocation au peuple16 ; l'accusateur peut aussi obtenir la place de celui qu'il a fait condamner, dans la tribu" et au sénat 7°. De bonne heure 70, à cause de la difficulté des procès politiques, il y eut plusieurs accusateurs, d'un à trois ; le magistrat choisit entre eux l'accusateur principal par la DIVINATIO ; les autres sont les subscriptores; l'accusateur demande au magistrat l'autorisation d'accuser, c'est la postulatio (postulare nominis delationem) 2° ; le magistrat, après un examen sommaire de l'affaire, quelquefois le même jour 21, accorde la nominis delatio. Est-ce une déclaration verbale ou une plainte écrite? Ce point est controversé; il y avait sans doute une formule pour chaque délit 2'; les éléments essentiels en étaient l'indi cation de l'année et du jour, les noms de l'accusateur, del'accusé et de la loi invoquée, l'indication circonstanciée du crime 23. La présence de l'accusé n'était sans doute pas absolument nécessaire 24. En tout cas, le préteur inscrit la plainte sur son registre (tabulae) ; c'est l'inscriptio (aussi nomen recipere) 2K à la suite de laquelle l'accusé est reis. Cette situation entraîne déjà pour lui certains désavantages, probablement l'incapacité d'être juré et peut-être d'être candidat à une magistrature 26, mais, en règle générale, il n'est pas soumis â l'emprisonnement préventif. C'est à ce moment, avant ou après la nominis delatio, que l'accusateur jure qu'il n'accuse pas calumniae causa''. Vient ensuite, à un intervalle inconnu, l'interrogatio (legibus interrogare) qui a sans doute pour but d'obtenir de l'accusé soit une négation soit un aveu 28; d'après un grammairien V0, l'absence de réponse équivaut à un aveu. S'il y a aveu, il y a sans doute, selon le cas, exécution immédiate de la peine ou fixation de l'amende par les jurés 30. S'il n'y a pas aveu, le procès suit son cours et le président fixe le jour des débats (diei dictio), en accordant à l'accusateur le temps qui lui parait nécessaire pour recueillir par une enquête (inquisitio) les éléments de [accusation. Ce délai est souvent de dix jours31; il peut être plus court, mais il peut aller jusqu'à un mois et plus 32 ; Cicéron obtint 110 jours pour le procès de Verrès 33. C'est ce délai qui détermine l'ordre des procès, car chaque tribunal n'en peut juger qu'un à la fois ; mais cet ordre peut être dérangé pour certaines raisons et un procès jugé « extra ordinem » 31. L'accusateur fait l'enquête par ses propres moyens, pourvu cependant d'une lettre officielle du préteur et du secours de la loi 35 ; 2" le terme échu, à moins qu'une des parties n'en ait obtenu un nouveau du préteur, après consultation du jury6', le préteur forme le jury [3uDIClA111AE LEGES] ; c'est lui qui reçoit et apprécie les excuses des jurés, les oblige à l'assiduité 37; mais il y a sur ce point une grande tolérance; l'absence d'un juré pendant une partie des débats, même pour le vote, ne paraît pas avoir de conséquences légales 38 ; le magistrat a la direction et la police de l'audience, peut dissoudre et renvoyer le jury"; sans jouer de rôle actif, sans exprimer aucune opinion40, il exerce cependant un pouvoir considérable, attesté par tous les auteurs" . Le défaut de l'accusateur arrête le procès (nomen ex reis exitnere) 42 et peut en outre exposer le défaillant à certaines peines comme calumuiator ou pour praevaricalio. Quand l'accusé prévoit une condamnation, il petit s'exiler de lui-même, à tout moment des débats; en ce cas, le procès a lieu malgré son absence et aboutit, selon le cas, soit à un acquittement 43, soit, le plus souvent, à la confirmation de l'exil 44. L'ordre des débats est JUD 652 JUD généralement le suivant : discours des accusateurs, défense de l'accusé [ADVOCATIO, PATRONOS], production et discussion des témoignages et des preuves; mais il y a beaucoup de latitude dans l'ordre des discours des deux parties 1; certaines preuves peuvent être lues au cours des plaidoiries 2 ; il a dû toujours y avoir des limites de temps sinon pour les preuves et les témoignages, au moins pour les plaidoiries ° ; l'accusation paraît avoir eu en général un tiers de moins que la défense; la loi de Pompée, qui ne fut d'ailleurs valable que pour l'année 52, limitait le nombre des avocats, supprimait les laudatores et donnait deux heures à l'accusation, trois à la défense ; elle mettait en outre l'audition des témoins, in jure, pendant les quatre jours qui précédaient le procès et, le cinquième et dernier jour, les témoignages écrits étaient soumis au jury après les plaidoiries 4. Pour les témoignages et les preuves, nous renvoyons aux mots TESTIS, PROSATIO, QIAESTIO. Il est assez difficile de distinguer des témoignages les éloges de l'accusé [LAI:DATIO], faits soit oralement, soit par écrit, par les laudatores, parents, amis, souvent au nombre d'une dizaine c ; il y avait là un abus. L'altercatio, qui pouvait sans doute avoir lieu à tout moment des débats, paraît avoir été une discussion rapide entre les parties [ALTERCATIO. Le procès pouvait ainsi durer plusieurs jours ; la lex Servilia repetundarum de 111 établit la comperendinalio 6, c'est-à-dire la nécessité de nouveaux débats, sur la demande d'une des parties, après un intervalle d'un ou peut-être de plusieurs jours nuis, p. 177 ;de là vinrent les expressions actio prima et actio secunda ou cillera ; les seconds débats étaient sans doute moins complets, mais dans le même ordre que les premiers. La tex Servilia s'appliquait-elle seulement aux repetundae ou à toutes les quaestiones? Il est difficile de se prononcer sur ce point. En tout cas elle dut rendre beaucoup plus rare l'emploi de l'ampliatio. 3° Le héraut annonce la fin des débats par le mot dixere ou dixerunt7 ; les juges prêtent alors serment 3 ; le vote est en général secret° ; c'est seulement de 80 à 70 que la loi Cornelia permit à l'accusé de demander le vote public, probablement pour les crimes de droit commun 10. Aller voter se dit « ire in consilium » 11; chaque juré va déposer dans l'urne (sitella), le bras nu, en la couvrant de ses doigts, la tablette de buis, enduite de cire (sors, sorticula) qu'on lui a remise et sur laquelle il a effacé une des lettres A (absolvo), C (condemno) 12. S'il a effacé les deux lettres, la tablette est dite sine suffragio ; elle n'est sans doute pas déduite du calcul de la majorité et elle équivaut à une demande d'ampliatio 13. Quand le vote est public et oral, les juges qui veulent se déclarer insuffisamment éclairés prononcent les mots non liquet14; s'ils constituent la majorité, il y a alors l'ampliatio, que le magistrat indique par le mot amplius; c'est un supplément d'enquête ; le magistrat fixe le jour du nouveau débat et l'ampliatio peut encore être demandée une ou plusieurs fois 15. Les jurés ont un pouvoir absolu dans l'expression de leur vote; rien ne les lie 16. Le président, ou un des ,jurés extrait les tablettes de l'urne, les lit, les fait vérifier. C'est le magistrat qui prononce la sentence dont la formule est adaptée aux termes de l'acte d'accusation 17, mais qui est souvent « fecisse » ou « non fecisse videlur » n [SENTENTIAI. L'égalité des suffrages entraîne l'absolu lion 19. Le président lève la séance en faisant dire par le héraut la formule « ilicet o ( ire licel) ; il garde dans ses acta les procès-verbaux des débats 2°. Pour les procès que l'acquittement de l'accusé pouvait faire naître contre l'accusateur, nous renvoyons aux articles CALL-MMA,PRAEVA sation peut être renouvelée par d'autres En cas de condamnation polir repetundae, péculat et aussi brigue, ce sont les mêmes jurés qui, comme recuperatores, fixent les dommages-intérêts, la 1ATts AESTIMATIO 2i ; ils s'élèvent rarement au chiffre réclamé par l'accusation 22; ils comportent tantôt la restitution simple, tantôt le double ou même le quadruple 23 ; pour le péculat et la brigue, ils reviennent entièrement à l'État ; dans les repetundae, la partie lésée n'obtient généralement que la restitution simple, le surplus va à l'État". Enfin, par une procédure accessoire, établie sans doute par la loi Servilia, les mêmes jurés peuvent ordonner, si la vente des biens du condamné ne suffit pas à payer les dommages-intérêts, de prendre le reste sur les biens de ceux de ses subalternes qui ne sont pas des personnages sénatoriaux n Chaque jury ne juge qu'une personne à la fois, même quand il y a plusieurs inculpés pour le même crime. Il n'y a pas de prescription pour le délit 26. Il est rarement question de l'intercession des tribuns, même pour les opérations qui ont lieu in jure". Les sentences des quaestiones sont sans appel. On ne connaît guère que quelques amnisties purement politiques et encore pendant des crises révolutionnaires 26. IV. Mesures politiques de salut public. C'est en étendant la notion d'ennemi national aux adversaires politiques que le parti aristocratique, représenté par le sénat, a suspendu de nombreuses fois la provocation au peuple et fait prononcer par les magistrats des condamnations capitales contre des citoyens sans juge 1 JIJD (i:i3 JUD ment du peuple. C'est ce qu'on appelle le Senatus consultuni ultimum 1; la légende en a créé des exemples dès le ve siècle av. J.-C. 2 ; mais, en réalité, c'est contre Tib. Gracchus qu'il a été appliqué la première fois' et le sénat donna aux consuls de l'année suivante la mission de juger et de condamner à mort ses complices A. C. Gracchus fit confirmer le droit de provocation et exiler un de ces deux consuls, mais il fut frappé luimême, ainsi que plusieurs autres citoyens, par le Senatus consultum ultimum e, et le consul Opimius, exécuteur de la vengeance du sénat, accusé par un tribun, fut cependant acquittée. Monunsen attache une grande importance à cet acquittement et croit que dès ce moment la théorie du S. C. ultimum fut formée et acceptée 7. Cette opinion paraît insoutenable. En fait, cependant, le sénat fut encouragé à user de cette arme et dès lors il l'employa fréquemment, par exemple en 100 contre Apuleius Saturninus, Glaucia et leurs partisans, en 88 contre le tribun Sulpicius, en 83 contre Sylla s, en 63 contre Catilina et ses complices 6, en 62 contre le tribun Metellus Nepos, en 49 contre César '°, en 48 contre le préteur Caelius, en 43 contre Antoine, puis contre Octave, puis contre le parti républicain" En 20, le consul Sentius refusa ces pouvoirs 12. Mais le parti populaire n'a jamais reconnu la légalité de ce procédé: Rabirius fut accusé de perduellio pour avoir participé au meurtre de Satu in mus ' P. Mucius Scaevola avait refusé d'agir comme consul contre Tib. Gracchus; on connaît la condamnation de Cicéron. En tout cas, la raison invoquée par le S. C. ultimum est le salut public ; l'expression usuelle est « ne quid res publica detrlmentuni capiat » ; primitivement l'ennemi public n'était pas désigné, mais peu à peu on prend l'habitude d'énumérer dans le sénatus-consulte les personnes poursuivies ; on peut déclarer ennemi public celui qui restera dans le parti des rebelles après telle ou telle date''; le sénat donne pleins pouvoirs en général aux magistrats supérieurs présents à Rome ou en Italie, quelquefois même aux gouverneurs qui peuvent se trouver en Italie 16 ; le rôle principal appartient aux consuls ou à leurs représentants ; les citoyens ont le droit de mettre à mort les individus poursuivis; le magistrat peut prononcer toutes les peines, même la mort, généralement en prenant l'avis de son conseil17: ce fut sans doute pour amoindrir sa responsabilité que Cicéron soumit au sénat le jugement des complices de Catilina. Le sénat pouvait en outre condamner de nouveau les actes qui avaient motivé le S. C. ultimum, en les déclarant contraires au bien public «contra rempublicam factum videri», ou qualifier de la même manière des actes futurs, par exemple une intercession de tribuns, une proposition de loi, en annonçant ainsi son intention d'appliquer, le cas échéant, le S. C. ultimum". V. Juridiction de magistrats extraordinaires. Il y a dans cette catégorie le premier décemvirat FDECEMVn1I], les dictatures de Sylla et de César, le triumvirat de Lépide, d'Antoine et de César en 43. Ces pouvoirs comportent une juridiction criminelle illimitée 10; César juge comme dictateur Ligarius, Dejotarus20. Les proscriptions ne sont au fond qu'une application de ces pouvoirs. VI. Juridiction des magistrats romains, dans l'Italie, sur les non-citoyens. Elle s'exerce surtout dans les causes graves qui compromettent la sûreté publique et pour lesquelles les polices municipales des alliés et des Latins seraient insuffisantes : associations criminelles, empoisonnements, brigandages, trahisons, conjurations, révoltes serviles. Dans tous ces cas, le sénat délègue l'enquête et le jugement aux magistrats supérieurs, généralement aux consuls, quelquefois à des préteurs 21 ; ils jugent euxmêmes, sommairement, avec leur conseil, peuvent faire procéder à des exécutions en masse. Dans les autres cas, les villes libres et alliées gardent leur propre juridiction criminelle ; à Bantia, il y a les formes du judiciurn populi 22. VII. Justice militaire Elle appartient, sous la réserve du droit de provocation, aux officiers supérieurs, aux tribuns militaires et aux prae fecti socium, qui l'exercent naturellement pour tous les délits purement militaires et en outre pour certains délits spéciaux, vol, manquement à la parole 23, et selon les formes de la procédure civile 2t Quant aux autres délits de droit commun, commis par les soldats, ils relèvent probablement de la juridiction ordinaire. VIII. Juridiction des gouverneurs de provinces. 11 faut tenir compte d'abord des privilèges dont jouissent les villes libres et fédérées ; elles ont leurs tribunaux indépendants qui jugent leurs nationaux et même les Romains"; c'est pour cette raison qu'il y a une sorte de jus postliminii entre Rome et ces villes 26 ; les empiètements des gouverneurs commencent, il est vrai, dès la fin de la République. On peut assimiler aux privilèges des villes libres le droit qu'avait en Judée le grand-prêtre du temple de Jérusalem de juger avec le synedrion les délits contre la religion et même de prononcer des peines capitales, qui devaient cependant être ratifiées par le gouverneur romain 27. Sur les autres parties du territoire de la provitice, le gouverneur a la haute juridiction criminelle, le droit (le vie et de mort sur les non-citoyens 28 et il l'exerce avec son conseil 29, qu'il recrute dans sa cohors praetoria et parmi les citoyens qui habitent la province. Il peut laisser le jugement de la plupart des délits aux tribunaux indigènes 30 ; mais il doit renvoyer à Rome les citoyens romains, d'abord devant le peuple, plus tard devant les quaestiones 31 JUD IX. Juridiction municipale. Les magistrats municipaux ont eu la juridiction criminelle, en Italie', à la fin de la République et au début de l'Empire; c'était nécessaire ; la lex Cornelia de sicariis, par exemple, ne s'appliquait qu'à Rome et au premier mille de Rome 2; la lex Julia municipales de I1J av. J.-C. mentionne les judicia publira municipaux3, ruais nous avons peu de renseignements sur ce poing et il est probable qu'il y a eu beaucoup de restrictions à cette juridiction. LE IIAUT-EMPIRE. Dans cette période s'opèrent des changements importants. La disparition immédiate du judicium populi, la disparition graduelle des quaestiones perpetuae et de la nouvelle juridiction sénatoriale ne laissent subsister à partir du me siècle que les tribunaux de l'empereur ou de ses délégués, préfets et gouverneurs, qui jugent tous par cognitio directe, sans jurés, avec un simple conseil. L'unité de juridiction est ainsi rétablie peu à peu au profit des fonctionnaires impériaux ; elle a pour conséquence nécessaire l'établissement de l'appel. 1. Le judicium populi disparaît dès Auguste. II. Les quaestiones perpetuae, assujetties à des règles uniformes par la lex Julia judicioruln publicorum5 sont battues en brèche par les nouvelles juridictions rivales ; elles subsistent cependant, même la quaestio majestatis0; nous ne savons pas comment se faisait le partage des affaires entre les juges et les tribunaux impériaux ; c'était soit l'accusateur, soit l'accusé qui choisissait', sauf intervention de l'empereur ; à l'époque de Dion Cassius, les quaestiones ont perdu les procès capitaux'; elles dis paraissent au cours du me siècle fJQDICIARIAE LECES 9, III. Les magistrats municipaux perdent la juridiction municipale '°; ils ne sont plus qu'agents auxiliaires des magistrats impériaux pour la poursuite des criminels IV. Les villes libres gardent théoriquement leur juridiction criminelle jusqu'à l'époque de la fusion de toutes les institutions municipales, mais de bonne heure les citoyens romains refusent de s'y soumettre et on réprimande les villes qui osent l'appliquer à leur égard". home peut évoquer tout procès devant ses tribunaux, qui jugent également les citoyens des villes libres quand ils sont à Rome 12. Les villes libres subissent dès le ne siècle la juridiction du proconsul et même dès Auguste l'intervention de l'empereuri3. V. Juridiction criminelle de l'empereur'. l'L'empereur peut dans tout tribunal provoquer l'acquittement en ajoutant sa voix; c'est pour cela que les premiers empereurs assistent souvent aux débats des juges criminels [CALCULUS MINERVAL ' ; 9-0 dès le début du principat, l'em pereur a été investi d'une juridiction propre qui fait sans doute partie de son imperium Il peut juger tout citoyen, tout sujet, homme ou femme, pour tout délit, de droit commun ou politique 76, quand cela lui plaît, sans y être JUD jamais obligé17; il peut garder pour son tribunal ou renvoyer au sénat un procès intenté devant les deux juridictions1S, enlever une affaire au sénat ou aux quaeslianes, soit spontanément, soit sur la demande d'un accusé" et plutôt d'après des considérations politiques et personnelles que pour des raisons juridiques. Il renvoie généralement les petites affaires, les délits de personnes de basse condition20; il juge principalement les affaires des officiers et des centurions, surtout pour des infractions aux lois militaires 21, les soldats réfractaires'', les délits et les illégalités de ses affranchis et de ses procurateurs L3, les crimes graves commis par de hauts personnages 24, les concussions et délits des gouverneurs même sénatoriaux et surtout les procès des sénateurs. Le procès de Pison sous 'l'ibère montre bien que c'était d'après la constitution d'Auguste que les sénateurs étaient justiciables du tribunal impérial 26 ; Auguste lui-même en avait déjà condamné 21. On sait quel effroyable abus les premiers empereurs, surtout Tibère, Caligula, Claude, Néron, firent de leur pouvoir contre les sénateurs accusés de lèse-majesté'-$, Vitellius et Galba. firent également tuer des sénateurs20. Ce sont seulement les Flaviens qui, réconciliant l'Empire et le sénat, commencent à donner quelques garanties au moins morales au sénat contre la justice impériale. Titus ne condamna aucun sénateur à mort 30 ; cependant Vespasien avait fait tuer Ilelvidius Priscus 31; Domitien refusa de laisser déclarer par sénatusconsulte que l'empereur n'avait pas la juridiction capitale sur les sénateurs, et la fin de son règne fut marquée par de nombreuses condamnations 32. Nerva jura devant le sénat qu'il ne condamnerait pas de sénateur" et il n'y eut pas de condamnations sous Trajan34. Hadrien fit le même serment que Nerva, mais seulement après les exécutions faites au début de son règne, et la violation de ce serinent fut invoquée plus tard par le sénat contre sa consécration 35. Marc-Aurèle se réserva le droit de juger les sénateurs, mais à huis clos et en n'admettant alors dans son conseil que des sénateurs; il ne fit pas d'ailleurs usage de son droit et s'opposa aux condamnations capitales36. Commode fit tuer de nouveau des sénateurs". Pertinax supprima momentanément l'accusation de lèsemajesté 36. Septime Sévère fit voter un sénatus-consulte qui réservait au sénat le jugement des sénateurs39; mais cette immunité légale ne fut guère respectée que sous Alexandre Sévère, Claude II et Probus ; il y eut de nouvelles exécutions de sénateurs sous Caracalla, Maximien et Aurélien". Le jugement de l'empereur est une cognitio ; il statue lui-même, simplement avec l'assistance de con seillers ECONSILICIM P11INCI1'iS] 41, dans une des résidences impériales, soit à Rome, soit en tout autre endroit, généralement à huis clos au moins pour les accusés de distinctionl2. Il n'y a sans doute pas besoin d'acte d'accusation en forme ; il suffit que l'empereur évoque l'instruction JUD 653 JUD de l'affaire soit spontanément, soit sur une dénonciation ou sur la demande de l'accusé ; elle est préparée par un bureau de la chancellerie [A COGNITIONmUS ]. Le prince peut appliquer les mêmes règles de procédure que le sénat, mais n'est lié par aucune loi, peut aggraver ou atténuer la peine, la faire exécuter immédiatement' ; 3° au lieu de juger lui-même, l'empereur peut déléguer sa juridiction soit pour un cas particulier, soit d'une manière permanente. Les exemples du premier cas sont très rares ; on trouve comme délégué soit un particulier, soit un magistrat'. Les délégations permanentes constituent la concession du jus gladii aux gouverneurs de provinces et la juridiction criminelle du praefectus urbi et des praefecti praetor'io ; 4° l'empereur peut intervenir dans le jugement d'affaires criminelles au moyen de res quence du partage des pouvoirs fait par Auguste entre le prince et le sénat. Le sénat avait déjà siégé comme tribunal criminel sous la dictature de César, puis en 13 av. J.-C.4. Auguste régularisa sans doute en `?7 av J.-C. cette institution (lui subsista jusqu'au milieu du mesiècle ap. J.-C.; il en est encore question sous Elagabal, sous Maximien 6, peut-étre après la mort de Gallien', et c'est par un retour à l'ancienne tradition qu'au Bas-Empire Valentinien lui renvoie le jugement d'un sénateur accusé de lèse-maj esté, et qu'en 3971e sénat déclare le comte Gildo ennemi publie, et en 168 juge le préfet du prétoire des Gaules, Arvandus, accusé de conspiration 8. On a vu que les juridictions impériale et sénatoriale sont concurrentes et que ce sont des raisons de fait plutôt que de droit qui font donner la préférence à l'une ou à l'autre. Le sénat peut juger tous les crimes soit politiques, surtout de lèse-majesté, soit de droit commun 0, soit extraordinaires, par exemple le crime de profession de christianismelD, tous les délits des magistrats, surtout les concussions et les péculats. 11 jouit d'une très grande latitude, peut rejeter l'accusation", punir même en l'absence de texte de loi précis, absoudre même contre la loi f2, poursuivre à la fois plusieurs personnes ou des délits plus ou moins connexes qui, pour cette raison, ne pourraient aller devant les quaestiones perpetuae13. Il juge surtout les personnages des hautes classes, chevaliers, sénateurs, fonctionnaires sénatoriaux ou inème impériaux'4, en général après leur sortie de charge, et même, sauf pour les tribuns'', pendant leur charge; les rois étrangers L6, mais aussi les gens des basses classes", et, dans les deux groupes, les hommes et les femmes. Le sénat peut renvoyer l'affaire devant un jury spécial de sénateurs, hais c'est rare f8; généralement il juge luimême ; c'est la cognitio senalus, qui a lieu à huis clos, sans règles bien précises, sous la présidence du consul"La procédure est à peu près la même que celle des quaes tiones ; il y a soit une dénonciation de l'empereur, soit une postulatio faite par l'accusateur, qui est quelquefois un magistrat20; des primes aux dénonciateurs et aux accusateurs, un serment des sénateurs avant le vote2l ; la fixation de certaines limites de temps pour le procès22, pour les plaidoiries. Le sénat a remplacé en particulier la quaestio repetundarum pour les procès de concussion. On les connaît surtout par les lettres de Pline le Jeune qui nous laissent de la justice du sénat en cette matière une impression très défavorable 23. L'accusation était généralement intentée au nom de la province par le délégué de l'assemblée provinciale24; le sénat désignait parmi les sénateurs des patrons pour l'accusation et pour la défense, fixait la durée de l'inquisitio, désignait les sénateurs qui, sous le narra de judices dati, évaluaient les dommages-intérêts2". Le sénat peut prononcer toutes sortes de peines : l'exil hors de l'Italie, la déportation dans une île, la mise hors la loi, la mort infligée par les verges ou la précipitation du haut de la roche Tarpéienne, ou la strangulation en prison26; l'exécution, faite sous la direction du consul et de son questeur par les licteurs consulaires 27 ou des soldats, avait lieu d'abord immédiatement après le jugement, mais en il Tibère fit établir un intervalle d'au moins dix jours qui ne fut d'ailleurs pas tonjours observé". En général, surtout sous Tibère et Néron, dans l'exercice de cette juridiction, le sénat n'a été qu'un instrument docile entre les 'nains de l'empereur. Le prince peut d'ailleurs intervenir à tout moment de la procédure, soit en employant l'intercession tribunicienne 29, soit de différentes manières plus ou moins légales30. dici, correctores). On a déjà vu qu'ils l'exercent sous l'Empire dans toute sa plénitude, tant pour les crimes et délits ordinaires que pour les crintina extraordinaria et les délits de simple police 31. Ils doivent cependant renvoyer à nome, devant les quaestiones, l'empereur ou le sénat, les citoyens romains, qui, jusqu'à leur jugement, restent sous la garde des préfets du prétoire 32; mais dès le ter siècle l'empereur peut donner à un gouverneur JUD 6 56 JUD impérial, chef d'armée, la juridiction capitale, même sur les citoyens romains, le jus gladii, au moins en matière militaire' ; au l° siècle, les gouverneurs sénatoriaux et impériaux2, même certains gouverneurs de rang équestre3 et les préfets des vigiles et des flottes, obtiennent, en masse le jus gladii qui constitue le merlon imperiztm4 et dont les détenteurs portent l'épée 5; ils ne peuvent cependant le déléguer à des subalternes'; mais les officiers (le rang équestre et les sénateurs doivent toujours ètre renvoyés à Rome ; les décurions et les principales des villes ne peuvent être frappés d'une condamnation capitale sans l'assentiment de l'empereur, sauf dans un cas urgent. Aucun gouverneur ne peut déporter sans consulter l'empereur, parce que cette peine ne peut être exécutée dans les limites de la province 7. En outre, les gouverneurs jugent en règle générale les crimes et les délits graves des soldats dont les délits purement militaires et les délits de peu d'importance sont du ressort des chefs militaires8 Il n'y a pas d'appel du sénat, ni des quaestiones ; mais il y a appel de tous les délégués de l'empereur à l'empereur. Naturellement, dès le m° siècle, le nombre des appels obligea les empereurs à les déléguer à leurs représentants, les préfets du prétoire °. Théoriquement, on ne pouvait faire appel du préfet de la ville qu'à l'empereur ; mais en fait il statuait sans appel ; l'appel des préfets du prétoire à l'empereur dut également être rare 1D; et la constitution de 331l'interdit en principe, en permettant l'appel àl'empereur de toutes les autres autorités 11. Pour le droit de grave, voir ADearrlo, IXDULCESTIA. Les magistrats impériaux jugent tous par cognilio extra ordinem 12. Quand il y a plusieurs accusateurs, ils choisissent celui qui leur parait le meilleur 13. L'accusaleur qui fait la nominis ou criminis delatio doit leur présenter, comme, du reste, devant les quaestiones perpetuae, un mémoire libellus accusationis, rédigé suivant certaines formes, signé de lui et qui est déposé au greffe, apud acta ; c'est ce qu'on appelle l'inscriptio in crimen ; et l'acceptation de l'accusation par le magistrat s'appelle nominis receptio". Cependant, dans certains cas (ainsi pendant une certaine période, en matière de faux ou d'injure personnelle 's`, l'accusateur put simplement formuler une plainte orale. II est défendu d'intenter à la fois deux accusations différentes, sauf le cas d'injure personnelle à l'accusateur! L'accusé n'a plus le droit d'attaquer en même temps son adversaire et, sauf le cas de connivence, on défend d'accuser de nouveau pour le même fait un individu précédemment acquitté; mais on permet de se subroger aux droits d'un accusateur décédé". [Les personnages absents pour le service de l'État et les magistrats ne doivent être généralement poursuivis qu'à la fin de leur mission ou à leur sortie de charge17. Après la réception de l'accusation qui comporte sans doute une interrogation sommaire, l'accusé est reus ; il est alors frappé d'incapacités plus grandes que dans la période précédente; non seulement il ne peut être ni accusateur ni témoin, mais il ne peut aspirer à aucun honor'8; et cette situation ne cesse que s'il est acquitté ou si le procès est considéré comme non avenu, soit par suite du désistement de l'accusateur, soit par suite de l'écoulement du délai légal, fixé à la durée du procès, et qui est d'un an pendant le llaut-Empire ", de deux ans dans le droit de Justinien. Telle est la marche de la procédure accusatoire; elle subsiste encore au Bas-Empire; mais elle est remplacée dans beaucoup de cas par la procédure inquisitoriale. Dès le début de l'Empire, les magistrats sont autorisés à prendre l'initiative des poursuites, en particulier contre tous les crimes et délits qui portent atteinte à la sécurité publique et qui troublent l'ordre social20. Ils sont aidés dans cette tache par des agents spéciaux, les STATIONAIIII,les coulosl, et surtout les 1xExAl1CnAE d'Orient qui arrêtent les délinquants et les envoient aux magistrats avec un rapport sommaire (elogia notoria)21. Du reste, en cas de flagrant délit d'une nature grave, les autorités locales, duumvirs, curateurs, peuvent de leur propre initiative saisir les coupables et les envoyer avec leur rapport, et le cas échéant avec l'accusateur, au magistrat 22. Si l'accusé a été saisi en flagrant délit ou qu'il avoue, il est généralement soumis à la prison préventive [euus-rmua]; il n'a plus comme auparavant le droit de se soustraire par l'exil à une condamnation. Dans les autres cas, le magistrat peut employer la libera eustodia, mais qui est (Fun usage de moins en moins fréquent ; en général, il a le choix entre les trois mesures suivantes : soumettre l'inculpé à la custodia militaris, c'est-à-dire à la garde de plusieurs soldats93, généralement deux, choisis à cet effet, ou le laisser en liberté provisoire, moyennant la fourniture de cautions qui, en cas de fuite de l'accusé, perdent l'argent déposé et s'exposent en outre à certaines peines24, ou le soumettre véritablement à la prison préventive. Les empereurs ont fait beaucoup de lois contre l'abus de la prison préventive, se sont efforcés d'en abréger et d'en limiter la durée en faisant interroger l'inculpé dans le mois23. C'est le magistrat qui fixe la date du jugement, à sa guise. L'accusé peut obtenir un nouveau délai, en invoquant des raisons suffisantes et en les faisant agréer.1 Sinon, s'il ne se présente pas, surtout quand le magistrat a lancé contre lui une sorte de mandat d'amener, pronuntiatio exllibitionis20, dont l'exécution est confiée aux agents du commentariensis'i, il est l'objet d'une procédure spéciale : on le note comme requirendus28 et un édit ou une lettre aux magistrats municipaux le somme d'avoir à comparaître (levant la justice. [Théoriquement subsiste toujours la vieille règle du droit romain qu'on n'inflige pas de condamnation capitale à un absent 29 ; les biens du contumace sont JUD 657 JUD mis sous séquestre et, s'il ne se présente pas au bout d'un an, ils sont frappés de confiscation ; la confiscation est maintenue, même si l'accusé se présente plus tard et que le jugement ait lieu'.] Pour le jugement, c'est le commentariensis qui est chargé de conduire l'accusé devant le tribunal et de rédiger avec ses scribes les actes de la procédure. On entend d'abord l'accusateur, puis l'accusé et ses patrons ou avocats; ensuite on produit les témoins et les preuves [TESTIS, QuAESTIO ; en principe, les débats ont lieu publiquement 2; mais le juge se retire derrière le velum pour rédiger la sentence qu'il lit sur la minute ex tafiella qui est ensuite enregistrée apud cuita et expédiée par un instrumentarius 3. S'il y a appel, il a lieu dans les mêmes formes et conditions qu'en matière civile [APPELLATIO4]. Un tiers est même autorisé à l'interjeter en faveur du condamné 5. L'effet de l'appel est suspensif, sauf dans le cas de certains délits graves et avoués ou pleinement démontrés 6. Les individus condamnés à une amende doivent fournir caution à l'aerariurn, tant qu'il subsiste, ou au fisc, sinon subir l'emprisonnement; faute de payement, les tfuaestores aerarii ou les agents compétents du fisc font vendre les biens selon la procédure habituelle [SECTIO Doxontnl]. Les condamnations capitales, une fois qu'elles sont devenues irrévocables, peuvent être exécutées immédiatement, mais ne le sont souvent qu'au bout d'un délai qui ne doit pas dépasser un an', à la diligence du préfet des vigiles à Rome, du praefectus plebis à Constantinople, dans les provinces d'abord d'un centurion, plus tard du commentariensis 8. L'exécution est faite ordinairement par un carnifex, qui est souvent un soldat, le speculator9, devant les portes de la ville, dans un lieu communal 10; les cadavres sont laissés en pàture aux bêtes ou, jetés àl'eau ;plus tard, cependant, les parents du supplicié purent obtenir la remise du corps pour l'inhumer ". Les dépouilles du condamné (pannicularia) revenaient d'abord à l'exécuteur ; mais un rescrit d'Iladrien ordonna d'en verser le produit à une caisse spéciale, au profit de l'officium des magistrats1Y. Il y a de nouvelles garanties de l'accusateur. Dioclétien, il y a unité complète de juridiction. Ce n'est plus que par exception que l'empereur juge personnellement 13 ou en nommant des commissaires spéciaux''". Au sommet, il y a maintenant les préfets du prétoire qui constituent la première juridiction de l'Empire et dont Constantin a déclaré les sentences sans appel" ; à Rome le préfet de la ville, le vicarius urbis Romae et le préfet des Vigiles ; à Constantinople le préfet de la ville et, depuis Justinien, le praetor plebis et le quaesitor16. Dans les provinces, les gouverneurs de tous rangs ont la pleine juridiction criminelle; les magistrats municipaux ont les mêmes attributions que précédemment; en outre,les de V fensores civitattnn ont, probablement depuis leur création en 3M, le jugement des délits de peu d'importance, fuite d'esclaves, vol manifeste, vol de bestiaux, d'esclaves ou d'objets mobiliers, empiètements sur les terres des voisins17. Nous trouvons quelques privilèges de juridiction : 1° les principaux fonctionnaires ne sont en règle générale justiciables que des préfets de la ville et du prétoire et des vicaires; 2° les employés supérieurs des services du palais, les palatini, vont devant le magister offciorum'8; 3° les of/iciales de chaque magistrat sont en général justiciables de leur chef19 ; 1° depuis Constantin, les soldats ne sont plus justiciables que de leurs chefs propres, sauf pour quelques délits, par exemple pour les adultères9°. Justinien supprime en principe ce privilège, et sous lui la plupart des gouverneurs réunissent d'ailleurs les pouvoirs civil et militaire 21 ; 5i° Constantin accorda aux évêques, pour leurs crimes et délits de droit commun, une juridiction privilégiée, mais ce système ne fut pas longtemps en vigueur22; 6° la juridiction du sénat sur les sénateurs fut officiellement supprimée par Constantin qui les soumit à la juridiction ordinaire 23. Il y eut de nombreuses exécutions de sénateurs, plus ou moins légales, sous Maximien, Maxence, sous l'usurpateur Magnentius, sous Constance et surtout sous Valentinien Ier24; aussi, à la mort de ce dernier, Gratien donna quelques garanties au sénat, surtout une juridiction spéciale devant les préfets de la ville et du prétoire, puis devant les préfets de la ville seuls, assistés de cinq sénateurs; c'est ce qu'on appelle le,judicium quinquevirale2J; un peu plus tard, Valentinien II décida que les condamnations graves contre les sénateurs ne pourraient être prononcées que par le consistoire et l'empereur26, et il y a dans Symmaque des exemples de cette procédure 27 ; en outre, les sénateurs restaient libres jusqu'à la fin de l'instruction 28 ; 7° à partir du v° siècle, les personnages illustres ne relèvent que de l'empereur qui confie l'instruction de leurs crimes soit à des enquêteurs spéciaux, soit aux préfets du prétoire et de la ville 29. Nous avons déjà indiqué pour la période précédente les principaux traits de la procédure criminelle du Bas-Empire. La procédure inquisitoriale s'y développe de plus en plus aux dépens de la procédure accusatoire. L'appel, pour lequel il y a les mêmes règles qu'au civil, a été définitivement organisé de la manière suivante : en règle générale, on appelle des gouverneurs et des magistrats secondaires des capitales aux préfets du prétoire, aux vicaires, aux deux préfets de la ville, au vicarius urbis Romae et à quelques gouverneurs qui jugent vice sacra, tels que le contes Orientis, le praefectus Augustalis, les proconsuls d'Afrique et d'Achaïe 30; les sentences des préfets du prétoire sont sans appel; elles ne peuvent être modifiées que par voie de SUPPLICATIO à l'empereur qui soumet de nouveau l'affaire au successeur du préfet du pré 83 JUD 658 J D toire 1. On n'appelle à l'empereur que des sentences des autres juges d'appel 2 jusqu'à Théodose II qui délègue pour l'Orient les appels des vicaires et des judices speclabiles à une commission composée du préfet du prétoire d'Orient et du quaestor sacri palatii3. Signalons en outre une tendance à rendre l'appel plus difficile, à en enlever complètement le bénéfice par exemple aux brigands, aux rebelles, aux faux monnayeurs", aux criminels qui avaient avoué ou contre lesquels il y avait des preuves absolument convaincantes', aux officiales condamnés par leur chef'.] G. HUMBERT [Ce. LÉCRIV_1IN]. JUDICIARIAE LEGES. I. On donne le nom de lois judiciaires, judiciariae leges, aux lois qui ont organisé à Rome les jugements par jurés, surtout en matière criminelle, depuis l'établissement des commissions perma nentes, QUAESTIONES PEIPETUAE, dont la première remonte à 149 av. J.-C. C'est surtout pour la justice répressive, notamment pour la responsabilité des magistrats, que cette législation offrait, aux yeux des Romains, une importance politique de premier ordre. En effet, il s'agissait de savoir à qui appartiendrait la mission de juger les crimes de concussion, I6EPFTUNDAE PECUMAE, etc., commis par les gouverneurs de province, afin d'amasser des richesses qui leur assuraient à Rome, avec une haute influence politique au sein du sénat et des comices, une entière impunité L'histoire des leges judiciariae se relie donc intimement à l'histoire de la Constitution romaine, et à celle de la lutte entre les deux ordres, le sénat et les chevaliers. Voyons d'abord la période qui précède la loi de Sylla. En matière civile, les fonctions de juge juré ont appartenu sans doute dès le début de l'histoire de Rome aux sénateurs. En matière criminelle, les jurys des premières quaestiones perpetuae furent également recrutés dans la liste des sénateurs [aune IA PUBLICA . Il en fut ainsi, au moins en règle générale, jusqu'à la révolution opérée par C. Gracchus au profit de l'ordre équestre. La corruption et la partialité des tribunaux sénatoriaux appelaient une réforme 2. Tiberius Gracchus songea pour cette raison à introduire au sénat un nombre de chevaliers égal à celui des sénateurs 3. Caius Gracchus eut aussi l'idée, dans son premier tribunat, d'augmenter le sénat de 300 chevaliers'. Mais il n'accomplit sa réforme que dans son deuxième tribunat, en 122 av. J.-C. Un plébiscite attribua aux chevaliers la prérogative de fournir les juges jurés 6, dont la liste fut sans doute alors la môme que celle des eqcaites equo publico. Une disposition complé mentaire exclut probablement à ce moment les sénateurs de l'ordre équestre 6. Nous ignorons comment étaient formés les tribunaux pour chaque procès. La première liste des juges paraît avoir été dressée par G. Gracchus lui-même'. Sa loi porta un coup terrible à l'aristocratie sénatoriale et aggrava cette hostilité des deux ordres équestre et sénatorial qui va jouer un rôle capital jusqu'à la fin de la République. Nous avons (lès lors une série de lois judiciaires qui se détruisent les unes les autres selon que le parti des chevaliers ou celui des sénateurs l'emporte. Nos sources sont malheureusement très obscures et très incomplètes. On ne sait exactement ni la date ni le nom de la lex repelundaruln, dont on n'a que des fragments'. On croit généralement que c'est une loi Acilia et qu'elle est à peu près contemporaine de la loi de C. Gracchus : qu'elle soit antérieure ou postérieure de quelques mois, elle repose évidemment sur le même principe politique. Elle ordonnait l'établissement, la première année par le préteur pérégrin, les années suivantes par un préteur spécial, dans les dix jours après son entrée en charge, d'une liste annuelle de 450 juges, âgés de trente à soixante ans, domiciliés à Rome ou à une certaine distance de Rome', pris dans une classe dont l'indication a disparu dans une lacune du texte, mais qui était sûrement celle des chevaliers, à l'exclusion de tous les sénateurs anciens ou actuels, de leurs pères, frères oit fils, de tous les citoyens qui avaient été ou étaient questeurs, tribuns du peuple, tribuns militaires des quatre légions urbaines, triulnviri capitales, triumviri agris dandis adsignandis, des citoyens condamnés dans un judicium populi, de ceux qui étaient en dehors de l'Italie, au delà de la mer, ou qui exerçaient certaines professionsi°. Cette liste de 450 juges n'était sans doute utilisée que pour les actions repetundarum et le magistrat devait probablement la tirer de la liste générale des chevaliers. Nous n'avons pas les dispositions de la loi sur la formation du jury pour chaque affaire. On a fait à ce sujet toutes sortes d'hypothèses. Zumpt croit que chaque partie proposait 100 juges, pouvait en récuser 50, et qu'il en restait ainsi 100 auxquels s'ajoutait un certain nombre de juges choisis par le préteur lui-même, parmi les chevaliers, en dehors des 150 jurés; et c'est à ces juges donnés d'office que se seraient appliquées certaines conditions spéciales d'éligibilité, indiquées par un fragment de la loi" : ainsi le préteur n'aurait dà prendre qu'un juge dans la même famille, exclure les citoyens parents de l'une des parties à un certain degré, JL'+I) Gi9 .1UI) condamnés ou accusés en vertu des lois Calpurnia et Junia, ou de cette loi Acilia elle-même. C'est également sans doute à une liste spéciale de juges, prise sur la liste générale des juges équestres, que furent soumis en 114 les procès extraordinaires contre tous les citoyens qu'avait corrompus Jugurtha'. Il se peut aussi que dans cette période on ait formé une liste spéciale de juges pour chaque quaestio perpetua et que les préteurs urbain et pérégrin aient eu pour leur usage une liste du même genre. En 106, le consul Q. Servilius Carpio fit voler une loi dont on ne sait pas exactement le contenu ; d'après Tacite 2, il aurait rendu les tribunaux au sénat; d'après d'autres sources, il serait arrivé à ce résultat, mais en faisant entrer des chevaliers dans le sénat. La loi de Carpio ne dura pas longtemps, un ou deux ans au plus ; mais nous ignorons comment elle fut abrogée ; ce fut peut-être l'oeuvre d'une loi du tribun C. Servilius Glaucia en 101 av. J.-C. 2. Les publicains continuèrent à piller impunément les provinces, garce à la partialité des tribunaux équestres 4. En 91, le tribun du peuple M Livius Drusus proposa un ensemble de lois, parmi lesquelles une loijud cuire qui rendait les tribunaux au sénat augmenté de 300 chevaliers'. Tels sont du moins les renseignements fournis par nos sources. On peut se demander s'ils sont exacts. Car Drusus voulait en même temps qu'on ouvrît une enquête au sujet des corruptions reprochées aux juges équestres 6. Or ces juges, une fois admis au sénat, n'eussent plus été chevaliers et auraient échappé aux poursuites. Peut-être faut-il croire plutôt que Drusus avait voulu former une liste mixte de sénateurs et de chevaliers. Les lois liviennes, après avoir été adoptées, furent d'ailleurs cassées immédiatement par le sénat Pendant la guerre sociale, il y eut une nouvelle attaque, cette fois plus heureuse, contre les tribunaux équestres : en 89, le tribun M. Manlius Silvanus lit voter, avec l'appui des nobles, la loi Plautia qui organisa un jury annuel de 525 membres, choisis par le peuple à raison de 15 par tribu, sans aucune condition spéciale d'éligibilité; nous n'avons pas d'autres renseignements. Elle ne fut sans doute appliquée qu'à partir de l'année 88 ; la scholie d'Asconius la mentionne à propos d'un procès de haute trahison, intenté en vertu de la lex Varia de majestate; mais il est cependant probable qu'elle était applicable à tous les autres procès civils et criminels 7. Ce mode de recrutement, en théorie complètement démocratique, était analogue à celui du tribunal civil des centumvirs. Il se peut que la loi Plautia ait duré jusqu'à Sylla : il n'y a pas de texte sur ce point. II. En 88, Sylla, dans sa première tentative de réorganisation de la constitution, voulut renforcer le Sénat de 300 membres nouveaux, pris sans doute parmi les chevaliers 8. Cette disposition fut votée par le peuple, mais ne fut probablement pas appliquée, puisque les lois du consulat de Sylla furent cassées en 87. On peut conjecturer que le but de Sylla avait alors été déjà de rendre les tribunaux au sénat. Mais il ne l'atteignit que dans sa seconde restauration par la loi Cornelia judiciaria de 81 av. J.-C'. La liste des sénateurs disponibles, c'està-dire qui ne géraient aucune magistrature, dressée probablement tous les ans par le préteur urbain 10, fut la liste des jurés. Elle était divisée en décuries qui étaient probablement les dix anciennes décuries de l'interrègne, mais qui avaient naturellement beaucoup plus de membres qu'à l'époque primitive et dans chacune desquelles étaient représentés tous les rangs sénatoriaux". Sylla les forma sans doute pour la première fois par le sort; après lui chaque sénateur dut rester à demeure dans sa décurie ; il n'y eut qu'a les compléter le cas échéant. Peut-être y avait-il des décuries plus considérées que d'autres 12. Si on admet qu'il y avait environ 400 sénateurs disponibles, la décurie devait avoir en moyenne 10 membres' 3. Il est vraisemblable que chaque décurie n'était pas affectée pour toute l'année àla même catégorie de procès 14, et qu'au contraire le préteur urbain répartissait les procès entre les décuries non par le sort, mais en suivant leur numéro d'ordre'°. On ne sait pas exactement quel était le nombre de juges nécessaire pour rendre un jugement16; dans le procès d'Oppianicus, il y eut 32 votants17, dans celui de Verrès sans doute 15 ou 16 au plus 18. Le moyen employé pour prendre dans la décurie le nombre de juges nécessaire était le tirage au sort 13. Ensuite s'exerçaient les récusations. D'après la loi de Sylla, les simples particuliers, accusateur et accusé, ne pouvaient chacun récuser que trois juges 20; les sénateurs pouvaient en récuser davantage, mais nous ne savons pas exactement combien 21. C'était sans doute l'accusé qui exerçait le premier son droit de récusation 22 Les textes signalent en outre un tirage au sort supplémentaire, une subsorlitio, institution mal connue 23 : l'hypothèse la plus probable est que, s'il se produisait au cours du procès une ou plusieurs vacances dans le collège de jurés, soit dans l'année, soit surtout à la fin de l'année, au moment du renouvellement des magistratures, le président du jury devait s'adresser au préteur urbain qui l'autorisait à tirer au sort les juges nécessaires, dans une autre décurie. Les juges sénatoriaux se discréditèrent de nouveau par leur partialité et leur corruption ; après la mort de Sylla, le rétablissement des tribunaux équestres figure tout de suite dans le programme du parti démocratique. Le procès de Verrès, que les juges sénatoriaux n'osèrent absoudre, prépara les esprits à une réforme nécessaire 2t. Elle fut accomplie en 70 av. J.-C. par le préteur L. Aurelius Cotta. La loi Aurelia créa un nouveau jury, composé de trois sections, decuriae, recrutées la JU1) 660 JI;D première parmi les sénateurs, la seconde parmi les chevaliers equo publico, la troisième parmi les tribuni aerarii l. Nous ne savons pas d'une manière précise quels étaient ces tribuni aerarii. L'opinion de Belot, qui les assimile aux citoyens de la seconde classe, est insoutenable2. Mommsen a émis une autre hypothèse 3 : depuis la réforme des comices centuriates, chaque centurie avait un chef appelé curalor tribuum (91l),apzoç) ; il y en avait donc en tout 350; ces curateurs annuels, pourvus du cens équestre de 400000 sesterces, auraient formé une classe spéciale et auraient repris le nom des anciens chefs des tribus, de ces tribuni aerarii, chargés à l'époque primitive de payer la solde aux citoyens 4. Les tribuni aerarii de la loi Aurelia ne seraient donc autres que ces curateurs des tribus, presque assimilables à des chevaliers Mais ce système ne repose que sur des textes peu précis. Il est plus probable 6 que les tribuni aerarii étaient une classe de citoyens, pourvus d'un cens déterminé, inférieur à celui des chevaliers et qui était peut-être celui des ducenarii d'Auguste. En tout cas, il y eut dès lors une liste spéciale des jurés, puisqu'on ne pouvait prendre qu'un nombre déterminé de sénateurs, de chevaliers et des tribuni aerarii, probablement 300 de chaque catégorie', en tout 900 8. L'àge légal paraît avoir été de trente-cinq ans, au moins pour les chevaliers 0. La liste était revisée tous les ans par le préteur urbain qui devait jurer de choisir les plus dignes 10 ; mais en fait elle était sans doute à peu près permanente. Les questeurs urbains étaient peut-être chargés de faire le recensement préliminaire des chevaliers et des tribuni aerarii, susceptibles d'être juges '1. On avait peut-être gardé les anciennes décuries sénatoriales et divisé aussi en décuries les deux autres groupes. Le principe de la division par tiers était appliqué en outre dans le tirage au sort et dans la récusation des jurést2.Ilest probable que pour la récusation, la loi Aurelia avait supprimé le privilège des sénateurs et qu'elle ne permettait plus que le vote secret. Nous ne savons pas exactement combien, sous ce régime, il fallait de juges pour un procès. Cicéron parle de 75 tablettes 13 ; dans deux procès il y eut 70 juges t4 ; le chiffre moyen était peut-être de 75. La loi Aurelia se maintint sans changements essentiels jusqu'à la dictature de César. C'est sur la liste de juges de la loi Aurelia que Pompée tira, en 52, pour le procès de Milon et de ses partisans, une liste spéciale qui contenait 360 noms sur lesquels on tira au sort 81 juges 15 En 69, sous le premier consulat de César, il y eut une loi Vatinia de alternis consiliis rejiciendis 16. On a fait beaucoup d'hypothèses sur le caractère de cette innova Lion. Zumpt 17 conjecture que le préteur devait offrir pour chaque procès trois collèges de juges, que chaque partie pouvait en récuser un et que sur le collège restant s'exerçaient les récusations habituelles ; mais cette loi n'était peut-être applicable qu'aux actions repetundarum. Également en 39, la lex Pu/la Calma décida qu'au lieu de réunir tous les suffrages dans la même urne, on établirait trois urnes, une pour chaque catégorie de juges; et ce système fut longtemps appliqué'8 ; et pour soulager les habitants des provinces, la lex Julia repetundarum limita le nombre des témoins que l'accusateur pourrait faire venir de la province et des personnes qu'il pourrait emmener avec lui pour faire son enquête 10 En 55, une lex Pompeia, tout en maintenant l'ancien sv, sterne, restreignit le pouvoir laissé auparavant au préteur dans la désignation des juges, sans doute des deux secondes catégories 20 ; mais nous ne savons pas exactement dans quelle mesure; d'après Asconius, tous les juges devaient être pris amplissinzo ex censu, ex centuriis. On devait donc prendre sans doute les plus riches parmi les chevaliers et les tribuni aerarii ; les centuries étaient évidemment celles de la constitution de Servius modifiée. Cette loi, d'ailleurs, n'atteignit pas son but21. Dans la lex Licinia de sodaliciis de 55, il y eut une disposition particulière sur l'établissement des juges dans les procès de cette catégorie; chaque partie présentait des juges, appelés pour cette raison editi ou editicii et qui étaient dans un certain rapport avec les tribus 22 ; nous ignorons le mécanisme de cette procédure qui dura d'ailleurs peu de temps. Zumpt23 suppose que l'accusateur choisissait quatre tribus (c'est-à-dire les j uges de quatre tribus), et que l'accusé pouvait en récuser une, ayant, en outre, le droit de récuser cinq noms sur le contingent des trois tribus. En 4G, la loi Julia de César exclut les tribuni aerarii et ne laissa que les deux autres catégories de juges, sénateurs et chevaliers 24 ; mais on ignore quel fut alors le nlode de répartition; le nombre des juges nécessaire pour chaque procès fut sans doute abaissé. En 44, Antoine voulut former une troisième décurie de juges, formée des vétérans et des centurions de la légion Alauda et d'autres personnes sans condition de fortune; mais cette loi Autonia, appliquée immédiatement, fut cassée un an après 25. Depuis les Gracques, c'est probablement la même liste de juges, le même album judicum qui sert pour les procès civils et pour les procès criminels. Les textes sont surtout relatifs aux procès criminels ; mais tout porte à croire qu'il n'y avait pas deux listes26. Le préteur pérégrin paraît avoir aussi utilisé cette liste quand il employait des juges jurés 27. JiiD 661 .I D III. Nous arrivons à l'époque impériale. C'est probablement par ses lois Juliae judiciariae publicorum et privahenni (judiciorurn), dont on ne sait pas la date exacte, qu'Auguste réorganisa les tribunaux civils et criminels'. Il garda (l'abord les trois anciennes décuries qui comprirent à la fois des sénateurs 2 et des chevaliers 3. Du fait que les inscriptions ne mentionnent jamais de juré de rang sénatorial, Mommsen' conclut avec vraisemblance que tous les sénateurs alq artenaient aux décuries ; mais il fallait nécessairement faire un choix parmi les chevaliers Auguste confia encore quelquefois la formation de la liste à un personnage investi de la censoria potestas " ; mais, sauf ce cas, dès le début de l'Empire, ce fut l'empereur qui dressa la liste des juges 6, probablement en môme temps que celle des chevaliers 7 ; il revisait l'ancienne liste et la complétait par voie d'adlectio. Les juges restaient sans doute en fonctions' depuis l'âge de trente ans', jusqu'à l'âge qui dispensait en général des fonctions publiques, à moins qu'ils n'eussent été rayés de la liste, soit par suite de la perte d'une des conditions nécessaires, par exemple de la fortune, soit pour inconduite 10 ou pour une autre raison" Nous connaissons comme motifs de dispense le jus liberorum 12, les fonctions de curatores sénatoriaux (curatores viarum, frumenti, aquarum) au moins sous Auguste 1;. Auguste n'admit comme juges que des Italiens ; plus tard, au moins à partir de Vespasien, on prit des provinciaux, mais seulement des provinces latines de l'Empire, sauf de rares exceptions, et encore ceux qui étaient citoyens de naissance et non par concession du droit (le cité". Auguste paraît avoir fixé à 1000 le chiffre des membres de chaque décurie'6. Il créa, en outre, une quatrième décurie choisie parmi les ducenarii, c'est-à-dire ceux qui n'avaient que le cens de 200 000 sesterces 1e. Elle fut consacrée aux causes civiles de peu d'importance. Une cinquième décurie, créée par Caligula "7, eut probablement la même composition et le même rôle. Auguste avait fait construire pour les audiences de nouveaux bâtiments que la multiplication des procès rendait nécessaires 13. La même liste continuait à servir pour les procès civils et criminels" ; mais les deux dernières décuries, moins considérées, n'étaient sans doute pas utilisées pour les procès criminels. Sous Auguste, chacune des trois premières décuries était en congé à tour de rôle pendant un an, et il y avait probablement des vacances générales pendant les deux mois de novembre et de décembre 20 ; Suétone nous (lit de Galba qu'il supprima la faveur qui avait été accordée par Claude aux juges de ne pas siéger pendant l'hiver ni au début de l'année 21. Marc-Aurèle fixa à 230 le nombre des jours de l'année oit on pouvait juger22. La qualification des ,juges est variable. On trouve. judex ex (rarement de) quattuor, plus tard ex quinque decuriis 23, adleclus in quinque decurias 24, adlectus inter selectos 23, adlectus in decurias judicum seleclorunl21, judex de selectos 27, judex ex quinque decuriis inter selectos 28, in quinque decurias adlectus juratorum selectorum 29. On trouve rarement judex ou selectus sans complément36. Pour les membres des trois premières décuries, il peut y avoir la mention supplémentaire : decuriarum III, ou decuriis tribus, ou quadringenarius, mot qui se rapporte au cens de X500000 sesterces 31. Comme sous la République, ces jurés ne jugeaient absolument que les procès portés à Rome 32. Les différents magistrats prenaient des juges sur la liste générale", nous ne savons pas exactement de quelle manière, soit sans doute à chaque fois, soit en formant d'avance une liste spéciale. Nous ne savons pas exactement jusqu'à quand a duré la rédaction de la liste des jurés. Le jury a dû disparaître peu à peu devant les progrès de la procédure extraordinaire, de la cognilio extra ordinem, au civil et au criminel JUDLx . Marc-Aurèle est le dernier empereur auquel les inscriptions attribuent des nominations de juges 31. L'inscription parmi les juges de T. Petronius Taurus Volusianus, consul en '261, remonte au début de sa carrière, c'est-à-dire à la première moitié (lu me siècle ap. J.-C.35. C'est donc dans le courant du 1f1siècle, mais peut-être pas définitivement avant Dioclétien, qu'ont disparu les juges jurés. Cu. LÉcruytI'.